« Acide » de Just Philippot

Critiques

“Pluie noire”

Sous contrôle judiciaire, Michal porte un bracelet électronique à la cheville après avoir joué de ses poings sur le faciès d’un CRS. Sans voiture ni solution, son ex-femme Élise l’appelle pour qu’il l’emmène chercher leur fille Selma dans son internat. Au loin, des nuages de plus en plus menaçants l’inquiètent.

Point fort du film, la catastrophe annoncée n’est pas la conséquence d’une météorite, de bombes, ou d’extraterrestres. Après une canicule au mois de mars déjà, c’est de l’eau, rien que de l’eau qui tombe du ciel. Mais cette pluie est acide, brûlante, achevant bien les chevaux. Une source de vie est devenue mortelle et c’est effrayant. Comment s’en protéger, elle qui s’immisce partout, ronge les peaux, les toits, contamine les rivières et la robinetterie ? Des populations assoiffées sont condamnées à l’exil vers un ailleurs incertain, images qui rappellent les migrations d’aujourd’hui, victimes de la guerre, de la sécheresse ou de la misère. La tension est palpable et l’angoisse monte vite tant par l’urgence de la situation que par son réalisme proche. Le combat est d’abord celui de syndicalistes en colère contre un capitalisme destructeur. Mais que vaut un plan social face aux alertes climatiques ? La question reste sans réponse.

Malheureusement, le court métrage du même nom devenu long peine à tenir la distance. Les étapes propres à ce genre très américain s’y succèdent entre un noyau familial reconstitué, le sacrifice, une rencontre inattendue, le désespoir et la survie. Tel père, telle fille, Michal et Selma s’accrochent l’un à l’autre dans une obscurité qui gêne parfois la compréhension de l’image. Irréductible Gaulois, Guillaume Canet s’efforce de jouer les papas héroïques à cran face à une ado désobéissante. Deux caractères attendus qui constituent les derniers d’entre nous.

(6.5/10)

twitter.com/cinefilik     
cinefilik.wordpress.com

« Notre-Dame brûle » de Jean-Jacques Annaud

Critiques

“La guerre du feu”

Le 15 avril 2019 à 18 h 17, un incendie est déclaré au sein de Notre-Dame de Paris. Le compte à rebours a commencé pour sauver le monument.

L’événement a tout d’une catastrophe annoncée. Charpente boisée. Ouvriers s’autorisant à fumer sur les échafaudages. Premier jour de travail pour le nouveau surveillant. Système d’alarme défectueux. Tuyauterie trouée. Gardien asthmatique. Maître des clés éloigné. Embouteillages. Dans ces conditions, un tel cataclysme ne pouvait qu’arriver. Tout est vrai, même si rien ne paraît vraisemblable.

Comme le rappelle les premières scènes du film, la célèbre cathédrale n’est pas seulement l’un des lieux les plus courus au monde touristiquement parlant. C’est un symbole religieux, historique et culturel, reconnu à l’international. La voir sur grand écran malmenée par les flammes provoque une réelle émotion.

Voilà donc l’ennemi. La guerre du feu est déclarée. C’est une allumette que l’on craque pour faire rougir une cigarette. Un mégot non éteint qui roule, poussé par le vent. L’étincelle d’un branchement électrique d’un autre âge. Ainsi naîtra le brasier, incarnation du mal. Le film insiste sur l’horrifique. Les gargouilles grimacent et vomissent du plomb en fusion. Un souffle diabolique referme les portes laissées ouvertes. L’oculus ardent évoque Sauron. Satan fait chuter les anges et pleurer la Vierge.

La sauvegarde des reliques devient un enjeu crucial. La couronne d’épines christique est le trésor d’un jeu de piste digne du Da Vinci code. Malgré le trafic, les forces du bien débarquent enfin. On tremble, sue et étouffe aux côtés de ces pompiers héroïques, prêts à risquer la mort pour quelques pierres aussi précieuses soient-elles. L’on peut reconstruire une église, pas une vie. Quant au poste de commandement miroir monté pour occuper les parasites politiques, quelle trouvaille ingénieuse !

La reconstitution immersive s’avère spectaculaire et méritera des récompenses. Elle est pourtant malmenée par des images d’archives et de nombreux « split screens » gênant le visuel. Jean-Jacques Annaud avait-il besoin de cette hybridité troublante entre documents et fiction pour justifier son propos ? Et quel intérêt de montrer le surveillant novice se faire enguirlander par sa femme, la mère Michel qui a perdu son chat, Donald Trump et son hamburger, Anne Hidalgo au téléphone et cette fillette si fière de sa chandelle ? C’est surjoué, c’est mal joué. Le sensationnel tombe alors dans le ridicule et la mièvrerie.

(6/10)                                                                                        

twitter.com/cinefilik 
cinefilik.wordpress.com