« La ligne » de Ursula Meier

Critiques

“Le mal de mère”

En plein conflit, Margaret frappe sa maman, qui tombe et se blesse sérieusement. Plainte est déposée. En attendant un jugement prochain, la jeune femme est contrainte de ne plus s’approcher de Christina à moins de 100 mètres. Pour marquer cette distance de sécurité, Marion, sa petite sœur, trace une ligne bleue autour de la maison familiale.

Sur le solennel Nisi Dominus de Vivaldi, un vase vole au ralenti et s’écrase sur le mur. Suivent des vinyles et des partitions qui tombent, feuilles mortes et noirs flocons. L’affrontement chorégraphié se poursuit autour du piano. La musique adoucirait les mœurs si on pouvait l’entendre et l’écouter. Face à la mère qui tente une caresse, Margaret répond par un coup fatal. Pourquoi tant de haine, tant de violence ?  

Il y a de la rage dans les gestes et le regard expressif de Stéphanie Blanchoud, l’aînée bannie de cette matriarchie où les hommes ne sont que des pièces rapportées. Même si le film évite l’explicite, on peut la comprendre, sans la pardonner. En reine Christina, Valeria Bruni Tedeschi revêt l’un de ses rôles préférés, diva allumée et allumeuse. Dans une séquence, un long filin relie les deux femmes, tel un cordon ombilical fragile que l’on hésiterait à couper. Au milieu de ce duo électrique, un angelot messager, Marion, fille de chœur et de cœur qui, en ce jour de Noël, prie Dieu pour que la paix revienne sur cette terre.  

Si l’intérêt pour le dysfonctionnement filial n’est pas nouveau, il se dégage une étrangeté dans le cinéma atypique d’Ursula Meier. La réalisatrice aime alléger son récit par des scènes cocasses qui donnent à son réalisme grave une fantaisie bienvenue. Sa gestion de l’espace étonne toujours. Cette plaine valaisanne qui ressemble à celle où se débattait l’enfant d’en-haut s’insère entre les voies de chemin de fer, un canal, le tout sous le regard sévère des Alpes enneigées. L’autoroute n’est pas loin non plus, comme dans Home où une famille choisissait le confinement pour se protéger. Ici, la prison est extérieure attachant Margaret et l’empêchant de se rapprocher des siens.

(7/10)

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