« Les proies » (The Beguiled) de Sofia Coppola

Critiques

“Le silence des agnelles”

Alors que la guerre de Sécession déchire la Virginie de 1864, la petite Amy, en quête de champignons, découvre dans la forêt un déserteur nordiste grièvement blessé. Dans un élan de charité chrétienne, elle le ramène dans le pensionnat de jeunes filles où elle demeure afin de le faire soigner.

Adaptée en 1971 déjà avec un fringant Clint Eastwood dans le rôle du soldat, Sofia Coppola reprend cette histoire de loup dans la bergerie en insistant sur le point de vue des agnelles. Une démarche peut-être louable mais dont l’absence de modernité globale étonne et déçoit de la part de celle qui fit de Marie-Antoinette une influenceuse des temps modernes. Belle image certes, illuminée par de nombreux contre-jours qui noircissent les troncs ou par la lueur délicate des chandelles. Mais un discours sur l’opposition entre sexes qui ne diffère guère de celui d’il y a bientôt 50 ans, beaucoup plus avant-gardiste à l’époque. Alors que ces vierges assistent au suicide de leurs pères, frères et maris qu’elles n’auront jamais eus, partis mourir sur le champ de bataille, l’intrusion d’un serpent dans leur éden affole raisons et sentiments. Le mâle personnifié apporte avec lui l’envie et la tentation. Le ver est dans la pomme, croquée sous forme de tarte. Sa neutralisation passera par la castration. La réalisatrice aurait pu se démarquer en utilisant franchement les codes de l’horreur. Elle frôle avec grand-peine l’inquiétant, annihile toute l’ambiguïté du final et provoque même quelques rires de la salle devant tant de désuétude. Poussées par un instinct de défense, les proies deviennent prédatrices mais se fourvoient en désignant l’homme comme leur ennemi premier. C’est le corsetage appliqué de leur propre désir qu’elles auraient dû trancher.

5.5/10

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